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    Une vieille maison, une paysanne, tassée sur elle-même, abandonnée, au bord de l’effondrement ; et néanmoins – comment dire – rêveuse, pleine de mémoire et souriant à ses secrets. Ai-je dit « abandonnée » ? Inhabitée, oui, délaissée par les hommes ; mais abandonnée, non. Il y avait les herbes folles, drues, fleuries de muscaris et de compagnons-blancs, les églantiers, leur odeur de pommes chaudes, les grappes de jais noir du sureau penchés sur le puits, les pirouettes piaillantes des mésanges, le chant sur le talus de la fauvette babillarde et, ronflant de tout près sur ma tête, le vol des rouges-queues s’envolant des avants -toits…

     

    Après les quais où l’on chargeait, séparée d’eux par le portail couvert, c’était la haute et sonore écurie. Elle nous était interdite et nous attirait d’autant plus. Pour moi, qu’en ce temps-là déjà la puissance vitale, la force physique et l’harmonie des corps emplissaient d’admiration, nos percherons, leur port de tête, leurs naseaux dilatés où affleurait la roseur noire du sang, leur croupe moirée, colline de muscles, les muaient en créatures mythiques et m’inspiraient à leur endroit une craintive idolâtrie…

    une vieille maison - nos percherons - M Gennevoix - 30000 jours

     photo : philippe pottier - comice agricole Mareil sur Loir


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    Mer, douceur automnale, iles baignées de lumière, voile diaphane de petite pluie fine qui couvrait l’immortelle nudité de la Grèce. Heureux, pensai-je, l’homme à qui il a été donné, avant de mourir, de naviguer dans la mer égéenne.

     

    Nombreuses sont les joies de ce monde – les femmes, les fruits, les idées. Mais fendre cette mer-là, par un tendre automne, en murmurant le nom de chaque île, je crois qu’il n’est pas de joie qui, davantage, plonge le cœur de l’homme dans le Paradis. Nulle part ailleurs on ne passe aussi sereinement ni plus aisément de la réalité au rêve. Les frontières s’amenuisent et des mâts du plus vétuste des bateaux s’élancent rameaux et grappes. On dirait qu’ici, en Grèce, le miracle est la fleur inévitable de la nécessité.

     

    Vers midi, la pluie avait cessé, le soleil déchira les nuages, se montra doux, tendre, tout frais lavé, et caressa de ses rayons les eaux et les terres bien-aimées. Je me tenais à la proue et, jusqu’au fond de l’horizon, je m’enivrais du miracle.

    Mer, douceur automnale - Alexis Zorba - Nikos Kazantzaki

     


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  • J’écris sous la dictée d’un orage tournoyant sous mon toit d’ardoise, ma caverne. L’orage parfois s’éloigne, boudeur, puis revient de toute sa rage. Il pleuviote et puis soudain c’est le flot égrené de percussions subtiles qui dessinent la toiture entière. Maintenant c’est un roulement comme un avion perdu, emporté par un vent de tempête. La lumière clignote, le téléphone tinte. Le tonnerre reprend de partout, ne finit pas les coups qu’il annonce, orchestre affairé. Puis, il roule, creusant la nuit comme s’il se calmait. La pluie reprend sa grenaille, le tonnerre emplit le ciel gigantesque. La pluie, à flot de cascade, coup de canon, lumière brisée. Entrevues par une lucarne, des zébrures bleuâtres qui partagent le ciel et vont fendre la terre. L’orage roule, sa férocité diminue, quelques griffures encore de la bête bleue qui envahissent l’espace, lui offrant une lumière de mort qui le pétrifie.


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  • C'est une nouvelle rubrique qui va me permettre de retrouver  des textes plaisant à relire et aussi à écrire, tranquillement, comme on déguste son petit café  noir, au matin venu.

    textes ou lectures choisis


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